Nathanael se leva ce matin-là de bonne humeur, pour deux principales raisons : son frère l'avait appelé hier soir, lui assurant qu'il allait bien et ils avaient pu discuter un moment ; c'était réellement quelque chose qui avait manqué au jeune homme.

Mais l'un comme l'autre était pris par des affaires qui requéraient toute leur attention, pour Solwen c'était le déménagement dans cette ville inconnue et qui acceptait tous les handicapés, quelques qu'ils soient et pour Alphonse, leur mère qui continuait à les considérer comme des étrangers.

La seconde raison de sa bonne humeur était le fait que sa basse, perdue pendant le voyage en avion qui avait duré près de 24 heures, avait finalement été retrouvée. En un état parfait, aucunement abimée par son long séjour dans l'inconnu.

Malgré tout, il sentait comme une boule d'angoisse dans sa gorge. En effet sa rentrée devait se dérouler dans la journée… En réalité ce matin.

Un rapide regard à l'horloge affichée dans sa cuisine le renseigna sur l'heure et lui permit de se rassurer brièvement. Il n'avait plus besoin de presque deux heures de préparation mais il avait réglé le réveil comme si. Après un peu d'avance ne lui ferait pas de mal, n'est-ce pas, songea-t-il avec nervosité, manquant de s'étouffer avec son thé quand il reçut un message sur son téléphone.

Citation :

Bonne journée frangin ! Stresse surtout pas, tout va bien se passer

Et dire que c'était lui qui s'appuyait maintenant sur son frère… Alors qu'il y a peu de temps, c'était l'inverse. Un sourire lui échappa : son frère grandissait, et c'était aussi bien comme cela. Il était juste désolé que cela se soit déroulé dans des circonstances si terribles.

Il lui envoya un rapide texto de remerciement avant de déblayer ses affaires et de les mettre dans l'évier. Il ferait la vaisselle ce soir.

Nath sortit de l'appartement qu'on lui avait octroyé lors de son arrivée sans se presser, son sac sur l'épaule. Après tout, avec près d'une heure (à vrai dire, une heure et demi) d'avance, il n'arriverait certainement pas en retard !


Il arriva rapidement dans le quartier estudiantin de la ville de Pacydna. À vrai dire, il s'était sentit tellement nerveux l'avant-veille sans rien à faire qu'il avait fait le tour de la ville… En s'étant perdu plus ou moins une dizaine de fois au passage.

Heureusement qu'il avait fait ce repérage au préalable, finalement. Avec le stress qui commençait à monter, il ne savait pas s'il aurait supporté de se perdre dans les dédales de la ville. Il arriva sur la place qui se trouvait entre le lycée et les autres établissements scolaires secondaires et primaires.

Repérant un banc, il alla s'y asseoir, s'adossant confortablement contre le dossier. Il observa les environs, se rassasiant de la vue d'un quartier si calme. Puis il s'abîma dans la contemplation du mur derrière son banc, se mettant à genoux et s'appuyant sur le dossier pour pouvoir mieux observer la chose.

"Tiens, elle est amusante cette pierre, elle a une forme pas commune. Ça ressemble un peu aux pierres qu'utilisaient les maçons des vieux donjons et des anciennes cathédrales…"

Et il n'en fallut pas plus pour que Nath' s'évade complètement dans son monde imaginaire fait de réflexions saugrenues et d'idées miraculeuses s'évaporant en quelques secondes.

Éowin dut bien finir par sortir un jour. Cela n'était pas pour lui plaire, voir : pas du tout, bien entendu, mais ce n'était pas comme s'il avait le choix. Il y avait du personnel pour l'aider, entendre : pour son autisme, bien sûr, qui savaient comment faire pour lui éviter de grosses crises (comprendre : crises d'angoisse), mais il n'y avait personne pour aller en cours à sa place.

Et il était trop curieux. Beaucoup trop curieux. Il avait pensé, au début, à s'éviter la présence des autres, à ne pas se faire du mal (appréhender : sécher les cours)... Mais ses parents étaient tellement gentils avec lui qu'il voulait leur faire plaisir. Or, Liliane avait été impitoyable : la chose qui leur ferait le plus plaisir serait qu'il s'épanouisse dans un environnement qui lui conviendrait.

L'environnement lui convenait. Les voisins étaient encore peu nombreux et aimables, il n'avait du faire les courses qu'une seule fois jusqu'à présent (c'était ça ou mourir de faim), mais malgré tout... Il n'était pas réellement heureux. Sa famille lui manquait.

D'ailleurs, en parlant de sa famille... Sa mère venait de lui envoyer à l'instant un SMS à valeur de soutient moral : "Courage mon bichon ! Je suis sûre que tu vas y arriver !". Il lui répondit en un simple et clinique "Je suis en chemin."

Qu'allait-il découvrir là-bas ? Comment seraient les autres élèves ? Jusqu'à présent, malgré quelques moqueurs qu'il ne supportaient pas, on s'était toujours montré gentil, voir sympathique avec lui : ses parents faisaient attention à intervenir à l'école pour prévenir les élèves de son handicap et de son impact. Aussi, s'il était très solitaire de nature, et que les autres avaient tendance à le laisser dans son coin, il n'avait au moins jamais été persécuté.

Il n'aimait pas ne pas savoir. Comprendre : il avait peur de cette nouvelle école.

Pourtant, elle aurait apparemment tous les équipements dont il puisse rêver... Tout ce dont il pourrait avoir besoin, en tout cas, pour travailler sur les astres et les ordinateurs. Quand il y pensait, d'ailleurs, il faudrait qu'il pense à mettre à jour son site internet... Il avait découvert une nouvelle race de chats la veille, et il fallait absolument qu'il la rajoute à la liste.

Il avait toujours aimé les chats, voir : adoré, mais ses parents affirmaient qu'il fallait d'abord qu'il puisse s'occuper de lui-même avant de s'occuper d'un animal. Ils avaient raison : et si il oubliait un jour de le nourrir ? Et si changer sa litière ne le rebutait ? Et s'il n'était pas aussi câlin qu'il l'imaginait ? Et s'il se faisait mal, saurait-il en prendre soin ? Non, il aurait trop peur de faire du mal à son animal, ce n'était pas une bonne idée.

Éowin fut arraché à ses pensées par la vision incongrue d'un individu planté devant un mur de pierres. La personne était : brune, petite, donc probablement jeune, carrure masculine, pas de forme, donc un garçon, des habits rouges, criard, mauvais, présage de malchance ! Il fit un écart pour l'éviter, cherchant à ne pas attirer sur lui les foudres du hasard. C'était son premier jour d'école, et il ne voulait pas que cela se finisse mal.

Le garçon ne bougeait pas. Après vérification : toujours pas. Que regardait-il ? Éowin fixa à son tour le muret, mais à par peut-être des pierres avec une forme de pierres, il n'y avait rien. Il se retourna vers sa victime, interloqué. Qu'est-ce qu'il avait ? Est-ce que c'était un handicapé, lui aussi ? Est-ce qu'il avait un problème comme lui ?

Il se décida à appeler à l'aide. Oui, mais lui n'aimerait pas tous ces gens. Et peut-être que le garçon était comme lui, qu'il n'aimerait pas ? Tout doucement, il approcha un index tremblotant de la poitrine de l'inconnu, près à reculer brutalement d'un bond en arrière s'il faisait le moindre geste, agressif ou non.

Peut-être que c'était une mauvaise plaisanterie juste pou se moquer de lui ? Mais peut-être aussi que c'était grave ; saisir : important, voir à : maladies, annexe : maladies mentales, AVC, etc.

Nath était plongé dans sa contemplation et rien n’aurait pu l’en tirer. Rien, sauf la sensation d’un index s’approchant de sa poitrine pour au moins la seconde fois.

Il sursauta, et voulant se tourner pour voir qui tentait de le sortir de ses pensées, il se prit les pieds dans la lanière de son sac besace qui traînait à terre et se ramassa lamentablement par terre.

Comprendre qu’actuellement, Solwen avait les quatre fers en l’air et voyait trente-six chandelles, le dos et la tête particulièrement douloureux pour le moment. Il gémit en se frottant la tête, ramené à la réalité particulièrement brusquement.

Il recracha le morceau d’écharpe qu’il avait attrapé dans sa chute, comme si se retenir par les dents à un vêtement qui était accroché à son corps pouvait empêcher la gravité de faire effet sur son corps qui en connaissait forts bien les effets.

Il tenta d’adresser un sourire qui faisait plus office de grimace au garçon qui l’avait sorti de sa rêverie. Ce n’était pas de sa faute, mais voilà maintenant il avait ses vêtements sales et une sacrée bosse à l’arrière du crâne.

Ce garçon n’était pas particulièrement moche, mais il avait un air apa… il lui semblait que ça se disait apathique, mais il n’en était pas sûr. Quoiqu’il en soit, une autre coupe de cheveux mettrait certainement mieux en valeur le garçon en face de lui. Ses traits, par contre, étaient particulièrement originaux. Nath était particulièrement intéressé par les origines du jeune homme parce qu’elles devaient être certainement rocambolesque, non ?

Et même si ce n’était pas le cas, il saurait en inventer une histoire. Il secoua la tête, faisant un effort pour se ré-ancrer dans la réalité.

Il se redressa, tentant de défaire le nœud formé par la lanière de son sac et son pied gauche, épousseta grossièrement ses vêtements et enfin se tourna vers l’autre pour tendre une main presque assurée et de s’annoncer :

« Salut, moi c’est Nathanael Parques, mais appelle-moi Solwen. »

Il détestait la façon qu’avaient les anglo-saxons de prononcer son premier prénom et préférait user de son second, plus facile de compréhension.